10.02.2021

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Au travail, faut-il forcément sortir de sa zone de confort ?

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Si on devait décrire 2020 par un mot, on choisirait l’incertitude (et d’autres mots un peu plus vulgaires, mais bon ça on le laisse pour une autre discussion). Face à un futur flou, les envies de changement vont sembler irréalisables, voire insensées. Du coup, les options connues, sûres, paraissent les meilleures, surtout professionnellement. Que se passe-t-il alors du projet qu’on voulait lancer, de notre envie de démissionner et de tout recommencer, du changement de poste que l’on souhaitait opérer ? Est-ce qu’on peut sortir de sa zone de confort dans ces conditions si imprévisibles ? On fait le point avec Perline Grandemange, présidente du Cabinet Kintsu, coach spécialisée en transition professionnelle. Elle nous explique pourquoi il est important de bosser dessus.

 

Sortir de sa zone de confort, on le fait tous les jours 

 

L’étudePursuing Happiness : the architecture of sustainable change montre qu’il existe une part figée et une part influençable sur notre bonheur. Ce dernier est dû à 10 % aux conditions extérieures, à 50 % à la génétique et à 40 % au travail sur soi. Ces 40% représentent notamment les décisions que nous prenons, les voies que nous décidons d’emprunter. La zone de confort - le choix d’en sortir ou non - rentre donc dans cette catégorie. En fait, nous sommes obligés de sortir de notre zone de confort presque tout le temps - et surtout en ce moment. On est passé de classe en classe sans savoir si nous aurions nos ami.e.s à nos côtés, on a déménagé plusieurs fois, on a passé notre permis de conduire, on a vécu notre première expérience en entreprise, on a appris à travailler différemment l’année dernière. Sortir de sa zone de confort, ça arrive parfois donc malgré nous, mais on peut aussi travailler sur cette capacité à décider, pour moins avoir l’impression de subir et développer notre confiance à prendre des décisions.

 

L’exercice : À quel moment êtes-vous sorti.e.s de votre zone de confort et qu’avez vous entrepris ? Essayez de faire une liste de ces moments sur une feuille, et identifiez les émotions associées (positives ou négatives). Ensuite, prenez le temps de vous rendre compte de ce que cela vous a apporté : quelles ressources jusque-là insoupçonnées se sont mobilisées ? Quelles nouvelles facettes de votre personnalité ont fait surface ? Quel champs des possibles vos expériences ont-elles créées ? 
 

Dans le viseur : la confiance en soi 
 

La zone de confort, c’est ce qu’on connaît par cœur, un espace confortable sans risque, un terrain connu. Ce qui est agréable avec cette zone, il faut l’admettre, c’est la maîtrise implacable de votre environnement. On peut avancer les yeux quasi fermés dans son travail, mode pilote automatique activé. Mais si on essaye de travailler sur les manières d’en sortir de temps en temps, elle peut être un outil utile pour avancer et atteindre les objectifs que l’on s’est fixés. En effet, faire un pas en dehors de la zone de confort, c’est glisser vers sa zone de développement. La zone de développement, c’est cet espace où on sait qu’on peut relever un défi même s’il existe de l’appréhension. Alors oui, il y a des efforts à fournir, mais ils sont mesurés, on n’est pas en perte de contrôle. La zone de développement, on la choisit en fonction des défis qu’on veut se donner, chacun.e à son propre rythme et à sa propre mesure. 

 

L’exercice : prenez un crayon, une feuille, et faites trois colonnes. Dans la première colonne, listez les choses qui font partie selon vous de votre zone de confort professionnelle : en gros, les éléments que vous maîtrisez au travail. Ça peut être une expertise, une tâche, ou une relation avec tel.le collègue. Dans la deuxième colonne, listez les éléments sur lesquels vous souhaitez évoluer. Enfin, remplissez la troisième colonne avec vos idées pour sortir de votre zone de confort en vous posant cette question “quel petit pas pourrais-je faire pour évoluer sur ce point ?”. 

Prenons un exemple : vous êtes récemment arrivé.e dans une entreprise, vous gérez la partie opérationnelle (zone de confort), mais vous sentez un petit manque de confiance en soi lorsqu’il s’agit de prendre des décisions, de dire ce que vous pensez (zone de développement). Vous pourriez essayer de proposer de diriger une réunion, ou de donner votre avis à la prochaine réunion quoi qu’il arrive. Si un objectif vous semble trop grand, ou vous fait peur, essayez de le découper en mini-étapes. Pour revenir à l’exemple, si donner son avis en réunion devant beaucoup de personnes vous semble trop impressionnant, vous pouvez essayer de donner votre avis à votre collègue le.la plus proche pour commencer, et ainsi de suite. 
 

Comment dealer avec sa peur ?
 

La peur, à la base, c’est quand même un mécanisme ultra bien rodé. Elle ordonne à notre cerveau et notre corps de réagir face à ce que l’on considère comme une situation de danger. Elle est là pour nous aider à nous mettre à l’abri, et ça, c’est plutôt chouette. Dans le monde professionnel, la peur est là aussi. Pourtant, il n’y a pas de danger vital, mais elle va quand même bloquer nos envies, les défis qu’on s’est donné.e.s. Lors des séances de coaching, quand la question de la peur surgit, les réponses les plus fréquentes se manifestent sous des termes comme : « mais qu’est-ce qu’on va penser de moi ? », « et puis de toute façon je ne me sens pas légitime », « je ne saurai pas faire », etc. La peur du regard de l’autre, d’avoir des spectateurs de notre possible échec nous enlise et nous rend immobile. Et si on essayait de remplacer la peur par la prudence ? Si par exemple, au lieu de se dire « j’ai peur de me lancer en free-lance », on se disait plutôt « je vais être prudente avant de me lancer en free-lance et faire une liste de toutes les choses qui me rebutent ou qui représentent l’inconnu selon moi ».

 

L’exercice : un conseil de coach pro pour sortir de sa zone de confort en douceur est de définir ses objectifs avec la méthode S.M.A.R.T. Les objectifs professionnels, qu’ils soient tournés vers une évolution verticale (monter en grade), ou transversale (changer de poste, de métier) sont comme le carburant d’une voiture, c’est assez compliqué d’avancer sans. Cette méthode peut vous aider à poser des objectifs cohérents avec vos envies et vos possibilités. Et aussi : autorisez-vous à revisiter votre zone de confort lorsque vous en ressentez le besoin, ça reste un élément indispensable pour recharger vos batteries.
 

Écrivez un objectif que vous avez en tête. Ensuite, essayez de le préciser : 

Spécifique : l’objectif doit être en lien avec votre travail. Il doit être précis et personnalisé. Exemple : « je veux développer ma confiance ». Il faut être plus précis : dans quel domaine, et pour faire quoi ?

Mesurable : l’objectif doit être quantifié ou qualifié. Exemple : « j’aurai gagné en confiance quand j’arriverai à parler en réunion ». 

Atteignable : vous définissez les différentes étapes à franchir pour réussir. Exemple : « pour réussir à parler en réunion, je dois d’abord travailler sur mes blocages ».

Réaliste : l’objectif doit être suffisamment grand, ambitieux pour qu’il représente un défi, il doit susciter la motivation pour éviter l’abandon et favoriser la réussite de l’objectif. À l'inverse, un objectif trop ambitieux peut vite devenir effrayant et vous faire glisser dans une grosse zone de panique. À chacun.e de déterminer le degré d’ambition qui lui convient, et la limite au-delà de laquelle l’objectif devient une épreuve insurmontable plus génératrice de stress et de procrastination que de motivation. 

Temporellement défini : l’objectif doit être clairement défini avec une indication de date butoir précise. Le délai doit être suffisamment long pour éviter une pression inutile et suffisamment court pour qu’il ne soit pas dilué dans le temps. 
 

On peut également ajouter la lettre « E » à la fin de l’acronyme S.M.A.R.T.E pour :

Écologique : l’objectif doit être écologique, c’est-à-dire qu’il doit respecter les autres besoins qu’on peut avoir dans notre vie. Exemple : « je travaille dans les assurances et je veux vivre de ma passion pour la peinture ». Si on n’a pas assez d’épargne pour payer son loyer et ses charges tous les mois, vivre de sa passion pour la peinture n’est pas un objectif « écologique » à date. Cette dernière partie peut aider à justement mettre en place des nouvelles manières de penser sa vie perso et pro pour avoir un objectif fixé réalisable. 

 

L’entreprise, au service de notre vulnérabilité

 

Oser expérimenter, c’est s’exposer à la vulnérabilité. Cette dernière, qu’on le veuille ou non, est un état humain, elle existe en chacun de nous. À l’heure où le travail est devenu de plus en plus abstrait, transversal et subjectif, cette reconnaissance en tant que personne vulnérable est tout à fait centrale. Les entreprises jouent donc un rôle capital dans cette action ou non de se lancer. Lorsqu’elles valorisent la vulnérabilité de leurs collaborateurs, ces derniers pourront se sentir suffisamment protégés et accompagnés dans leurs nouvelles expériences professionnelles. L’anglaise Catherine Powell, actuelle Présidente de Walt Disney Parks and Resorts Western Region souligne dans une interview donnée au magazine Elle, à l’occasion de la Journée des droits de la femme, le 8 mars 2018 : « C’est selon moi une grande force. C’est la clé de la compréhension de soi et des autres. Il faut savoir dire « Je ne sais pas ». Même pour un manager. » Du coup, on fait quoi ? Quand on manage, on pose des questions (qu’est-ce qui te semble compliqué en ce moment ? comment puis-je t’aider ?), on essaye de comprendre les blocages, mêmes les plus minimes, et on tente de trouver ensemble des solutions. 
 

Perline Grandemange est entrepreneure, coach et autrice. Son livre « Le Coaching Professionnel, accompagner le changement » est disponible aux éditions Ellipses. Les commentaires clients sont disponibles ici