18.07.2018
Interview
Behind The Mirror avec Magaajyia Silberfeld
À 22 ans, vous êtes déjà actrice, réalisatrice, vous avez beaucoup voyagé… On dirait que vous avez déjà eu 400 vies. Est-ce que votre âge a déjà été un frein ou un accélérateur dans vos projets ?
Un accélérateur dans certains cas : par exemple, quand j’étais à Los Angeles, les gens étaient toujours heureux de m’intégrer à leurs projets car j’apportais une jeunesse et une fougue toute particulière. En revanche, et c’est le cas la plupart du temps, le fait d’être jeune fait que l’on me prend moins au sérieux, ou que mon temps n’est pas considéré aussi précieux que celui d’un mec de 45 ans. On me propose beaucoup de collaborations non rémunérées sous prétexte que je suis une jeune fille, que je me lance - j’essaie de ne pas oublier que même si je suis jeune, mon travail a de la valeur.
Est-ce qu’il existe une forte communauté, une entraide ou une solidarité particulière entre les jeunes créatifs ?
Typiquement, quand j’ai fait mes courts métrages à Los Angeles, je n’avais pas les moyens de rémunérer les talents autour du projet. Du coup, j’ai donné des crédits de producteurs à toute la team, même aux assistants, pour qu’ils puissent faire valoir cette collaboration au même titre qu’un projet perso dans la suite de leur parcours. C’est important pour créer une émulation positive et que tout le monde se donne et soit fier du résultat, que les gens n’aient pas l’impression d’être utilisés : je n’avais pas d’argent à leur donner mais j’ai fait en sorte qu’ils repartent avec quelque chose quand même.
Qu’est-ce qui est le plus agréable : quitter l’agitation parisienne ou la retrouver après un long voyage ?
Je dirais que je suis plus heureuse à l’idée de quitter Paris. Enfin, disons que je suis toujours très heureuse de retrouver ma ville, mais cela ne dure jamais plus de 24h… Je suis vite agacée par les bruits de voiture, la pollution... Alors que l’idée de quitter la ville avant un voyage et le plaisir que cela me procure est nettement plus long dans le temps !
Qu'est-ce qui vous inspire en ce moment ?
Je lis beaucoup Chimamanda Ngozi Adichie. Je viens de finir Chère Ijeawele, ou un manifeste pour une éducation féministe, et je le conseille à tout le monde. Elle a une façon de rendre simple les choses compliquées, une écriture qui coule toute seule et une vision du monde qui rassemble.
Vos parents disent de vous que vous êtes…
Une météorite.
Vos amis disent de vous que vous êtes…
Une globe-trotteuse !
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Si vous pouviez revenir en arrière, est-ce que vous changeriez quelque chose dans votre parcours ?
Je pense que si je pouvais revenir en arrière, j’essaierais d’être plus raisonnée. J’ai eu pas mal d’opportunités au cours de ma vie, et j’ai sauté sur chacune d’entre elles. D’un côté, je ne serais pas là où j’en suis aujourd’hui, et de l’autre, j’ai perdu beaucoup de temps pour des personnes et des projets qui n’en valaient pas la peine. Reconnaître sa valeur, c’est quelque chose que l’on apprend en faisant des erreurs. Je dirais que je réfléchirais mieux avant d’investir mon énergie et de foncer, c’est important : une météorite, ça se consume.
Un mantra, une citation qui colle à votre façon de voir le monde ?
“Stop crossing oceans for someone who won't jump a puddle for you”. Ca veut dire “arrête de faire des efforts pour quelqu’un qui ne lèverait pas le petit doigt pour toi”. Je pense que l’énergie, c’est comme le temps, on ne peut jamais la récupérer une fois qu’on l’a investie. Ça doit être un truc mutuel. Pour avancer avec quelqu’un, que ce soit sur le plan perso ou pro, il faut que tout le monde se donne au même niveau pour construire quelque chose de viable.
Quelles sont les valeurs qui vous ont été transmises ? Celles que vous gardez et celles que vous mettez de côté ?
Une famille, ça importe beaucoup dans la construction de qui on est. Mais les parents sont avant tout des humains et ils n’ont pas toujours raison. De ma mère, je garde la détermination phénoménale qui anime chacune de mes envies. Mais je veux être aussi capable de parfois lâcher prise, ne pas abandonner, mais savoir s’écouter avant de se perdre dans une idée, un projet. Savoir passer à autre chose, c’est important.
Votre prochain projet ?
Je suis sur l’écriture de mon premier long métrage. Pas de titre pour le moment mais je peux dire une chose : ça parle d’une fille qui est dans une sale situation à L.A., et qui doit se dépêtrer de ça. Caméra à l’épaule, intrigue : je n’en dis pas plus. Sinon, je suis en train de réaliser un clip pour Ray Angry, le pianiste de Lauryn Hill qui va sortir son premier album perso. Je suis hyper fière de bosser avec lui !
Le meilleur conseil reçu ?
Mon associé me répète tout le temps “Ce n'est pas la fin du monde”. Si je rate un casting, qu’un projet tombe à l’eau, ou juste pour une petite galère du quotidien : ce n'est pas la peine d’en faire un drame. Je me le répète souvent, et ça m’aide à prendre de la distance, et ça fait du bien.